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118. — Les bras longs.
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Morale—Leçon de choses, Economie Domestique – Ménage – Cuisine – Couture</title> <author>Robert Halt</author> <textLang>French</textLang> <imprint> <date>1889</date> <distributor>Libraire Classique Paul Delaplane</distributor> <pubPlace>Paris, France</pubPlace> </imprint> </monogr> </biblStruct> </sourceDesc> </fileDesc> <profileDesc> <langUsage> <language ident="fr">French</language> <language ident="en">English</language> </langUsage> </profileDesc> </teiHeader> <text> <body> <div xmlns:ns0="http://www.tei-c.org/ns/1.0" type="chapitre" xml:lang="fr" n="ch118"> <head>118. — Les bras longs. </head> <div type="récit"> <p>La main de <persName key="jacques" type="fictif">Jacques</persName> s'était trompée !</p> <p>12 ! c'est le numéro qu'elle ramena du fond de l'urne : cinq ans de service militaire, et probablement une promenade aux colonies, à mille lieues, sous l'uniforme de l'infanterie de marine ! Car, pour pouvoir user du privilège du volontariat, auquel lui donnaient droit ses trois années de l'École d'agriculture, il fallait donner 1,500 francs : <persName key="m_dumay" type="fictif">M. Dumay</persName> ne les avait pas.</p> <pb type="page" n="414" facs="https://raw.githubusercontent.com/BucknellDSC/suzette/master/images/page_images/Suzette_414.jpg" /> <fw>414 SUZETTE.</fw> <p>Le soir, à la ferme, on reçut des condoléances et des encouragements, <persName key="suzette" type="fictif">Suzette</persName> et le père silencieusement, <persName key="jacques" type="fictif">Jacques</persName> répondant avec un visage ferme : </p> <p>— Autant lui qu'un autre, disait-il ; deux Fragicourtois, <persName type="fictif">Joseph Michon</persName> et <persName type="fictif">Jean Brunet</persName>, avaient été aussi peu chanceux. Il ne se sentait pas plus intéressant qu'eux.</p> <p><persName key="m_valon" type="fictif">M.</persName> et <persName key="mme_valon" type="fictif">Mme Valon</persName>, venus les premiers, n'eurent donc pas de peine à lui inspirer la résignation* <note type="annotation">Résignation. Soumission à la volonté de celui qui a pouvoir sur nous.</note>et les sentiments patriotiques. Le service de la patrie est le premier devoir qu'on doive attendre d'un homme de cœur, dirent-ils. <persName key="jacques" type="fictif">Jacques</persName> savait déjà cela.</p> <p><persName key="mme_valon" type="fictif">L'institutrice</persName> et <persName key="m_valon" type="fictif">son mari</persName> partis, ce fut le tour des voisins, parmi lesquels le vieux père <persName key="benoît" type="fictif">Benoît</persName> en compagnie de sa pipe, de sa fille <persName key="ludivine" type="fictif">Ludivine</persName>, de <persName key="vincent" type="fictif">Vincent</persName> et de <persName key="lisa" type="fictif">Lisa</persName>, ses petits-enfants.</p> <p>— Ça y est, hein ! dit-il en s'asseyant. Puis il alluma sa pipe et après deux ou trois bouffées : — Ceux d'aujourd'hui ont déboisé. Autrefois, il y avait ici de grands bois. Et savez-vous ce que faisaient les mauvais numéros du vieux temps ? Ils filaient dans les bois. Et va les chercher ! On les traitait de réfractaires, c'était tout. Mon père, mon oncle <persName type="fictif">Petit-Claude</persName> furent des réfractaires. Ma mèré allait, la nuit, leur porter la pitance. Les gendarmes n'y voyaient que du feu. Mais vous autres, malins, vous avez déboisé !</p> <p>Il tira une forte bouffée et se mit à rire. <persName key="vincent" type="fictif">Vincent</persName>, qui, en grandissant, n'avait pas pris une mine bien agréable, rit aussi. <persName key="jacques" type="fictif">Jacques</persName> et <persName key="suzette" type="fictif">Suzette</persName> se contentèrent de lever les épaules, et <persName key="françois" type="fictif">François</persName> s'écria :</p> <p>— Mais c'étaient des poltrons, des lâches, vos réfractaires !</p> <p>Tiens ! ils sauvaient leur peau, dit le père <persName key="benoît" type="fictif">Benoît</persName>.</p> <p>— Oui, répondit <persName key="jacques" type="fictif">Jacques</persName>, c'est là justement ce que vous dit <persName key="françois" type="fictif">François</persName>.</p> <p>Pendant ce temps, d'un clin d'œil, <persName key="ludivine" type="fictif">Ludivine</persName> avait appelé à part <persName key="m_dumay" type="fictif">M. Dumay</persName> et l'entreprenait dans un coin.</p> <p>La bouche abritée de la main, l'air mystérieux, à voix basse, elle semblait lui souffler dans le tuyau de l'oreille un bon secret contre la conscription : </p> <pb type="page" n="415" facs="https://raw.githubusercontent.com/BucknellDSC/suzette/master/images/page_images/Suzette_415.jpg" /> <fw>LES BRAS LONGS. 415</fw> <p>— Vous m'entendez, <persName key="m_dumay" type="fictif">Denis</persName> !.. les bras longs ! il les a !</p> <p>Qui a les bras longs ?</p> <p>— Le député, donc ! Les députés sont là pour faire exempter nos enfants du service, et pour nous obliger de toutes les manières. Allez donc le voir, mais sans le dire à Jacques, qui est une tête fière. Vous avez besoin de lui ici ; vous voilà vieillissant ; est-ce le moment de vous charger de la besogne de ces jeunes mains-là ?</p> <p>— Non, ni de ces mains, ni, en vérité, de cette tête. Il est brave, intelligent au travail, mon fieux, et si gentil ! J'ai le cœur déchiré, à la pensée qu'il va partir !</p> <p>— Allez donc voir qui je vous dis ! Il vous obtiendra que <persName key="jacques" type="fictif">Jacques</persName> ne fasse que quelques mois de service, et tout près d'ici ; vous verrez ça !</p> <p>Elle parlait de plus en plus mystérieusement, et il avançait l'oreille.</p> </div> <div type="questionnaire"> <head>Questionnaire.</head> <list> <item>— Quel numéro avait tiré <persName key="jacques" type="fictif">Jacques</persName> et quelles devaient être les conséquences de la chose ? </item> <item>— Quelles sont les conditions dans lesquelles on est admis à ne servir qu'un an, sous le titre de volontaire ? </item> <item>— Que répondait <persName key="jacques" type="fictif">Jacques</persName> aux condoléances des voisins ? </item> <item>— Que firent et dirent <persName key="m_valon" type="fictif">M</persName>. et <persName key="mme_valon" type="fictif">Mme Valon</persName> ? </item> <item>— Quel singulier discours tint le père <persName key="benoît" type="fictif">Benoît</persName>, après le départ de tous les voisins, à <orgName>la famille Dumay</orgName> ? </item> <item>— Comment <persName key="jacques" type="fictif">Jacques</persName> et <persName key="suzette" type="fictif">Suzette</persName> accueillirent-ils ce discours ? </item> <item>— Que dit <persName key="françois" type="fictif">François</persName> ? </item> <item>— A qui <persName key="ludivine" type="fictif">Ludivine</persName> conseilla-t-elle à <persName key="m_dumay" type="fictif">M. Dumay</persName> de s'adresser pour faire exempter <persName key="jacques" type="fictif">Jacques</persName> ou réduire son service à quelques mois ? </item> <item>— Pourquoi <persName key="m_dumay" type="fictif">M. Dumay</persName> préta-t-il l'oreille à cette proposition ?</item> </list> </div> <div type="exercices"> <head>DÉVELOPPEMENT DES SUJETS PROPOSÉS POUR EXERCICES.</head> <div type="morale"> <head>Morale.</head> <div type="questions"> <list> <item>— Qu'est-ce qu'un conscrit réfractaire ? </item> <item>— Que pensez-vous des réfractaires dont parlait le père <persName key="benoît" type="fictif">Benoît</persName> ? </item> <item>— Justifiez votre opinion. </item> <item>— Pourquoi risque t-on ou perd-on la vie sur les champs de bataille ? </item> <item>— Quelles raisons portent les soldats à combattre avec bravoure ? </item> <item>— Que peut dire une mère à son fils partant pour l'armée ?</item> </list> </div> <div type="réponses"> <p>Un conscrit réfractaire est celui qui se dérobe par la fuite au devoir de servir et de défendre sa patrie.</p> <p>Je pense que les réfractaires dont parlait le père <persName key="benoît" type="fictif">Benoît</persName> étaient des cœurs faibles et des âmes sans énergie ; quoique, à cette époque, <persName type="historique">Napoléon</persName> fit périr chaque année des centaines de mille hommes pour satisfaire son ambition, et qu'il fût terrible pour les jeunes gens de partir à l'armée sans chance de retour, il fallait accepter courageusement cette terrible situation. C'était le drapeau de la <placeName>France</placeName> qu'on était appel à défendre, et jamais on ne peut sans crime manquer à ce devoir, quel que soit celui qui nous y appelle.</p> <p>On risque et l'on perd la vie sur les champs de bataille pour la cause de la patrie, c'est-à-dire pour protèger contre les fureurs et la rapacité de l'ennemi, père, mère, sœurs, vieux parents, nos biens, nos économies, le toit qui abrite la famille, le cimetière où reposent les cendres des aïeux. Rien de plus sacré que cette obligation, de plus fort que les sentiments dont elle relève ; quand on sent qu'on a der- <pb type="page" n="416" facs="https://raw.githubusercontent.com/BucknellDSC/suzette/master/images/page_images/Suzette_416.jpg" /> <fw>416 SUZETTE.</fw> rière soi tout ce qu'on aime, la vie n'est rien, et, comme le répète un chant de guerre :</p> <lg> <l>Mourir est le sort le plus beau, le plus digne d'envie.</l> </lg> <p>Toute mère qui comprend ce qu'est le devoir envers la patrie, dira à ses fils comme la mère d'un poète, lors de nos désastres de 1870 :</p> <lg> <l>« Partez : ils sant vaincus les soldats de la <placeName>France</placeName> !</l> <l>« Mon cœur, pour conquérir ne vous eût pas prètés ; </l> <l> « Ce n'est plus la conquête, enfants, c'est la défense ; </l> <l> « Le sol est envahi ; je vous donne, partez ! » </l> <l>(<persName type="historique">DÉROULÈDE</persName>.)</l> </lg> </div> </div> <div type="géographie"> <head>Géographie.</head> <div type="questions"> <list> <item>— Expliquer ce qu'est une colonie. </item> <item>— Pourquoi fonde-t-on des colonies? </item> <item>— Quel peuple a les plus vastes colonies et quel avantage en retire-t-il ? </item> <item>— Quelles sont nos plus florissantes colonies ?</item> </list> </div> <div type="réponses"> <p>Une <term>colonie</term>, dans le sens primitif, est une réunion d'hommes sortis d'un pays pour aller en habiter un autre. Dans le sens le plus commun, c'est un territoire d'une partie du monde, autre que l'<placeName>Europe</placeName>, où un Etat établit sa domination.</p> <p>On fonde des colonies pour obtenir à meilleur compte les matières premières nécessaires à l'industrie et à la consommation qu'on ne peut tirer de son propre pays. Tels sont : le coton, la soie, le café, le cacao, le sucre, les épices, etc.</p> <p>L'<placeName>Angleterre</placeName> a les plus vastes colonies ; elles sont peuplées d'environ deux cents millions d'âmes : elle y trouve non seulement les matières premières que réclament ses fabriques, mais des débouchés considérables pour son industrie. « Si l'<placeName>Angleterre</placeName> n'avait plus l'<placeName>Inde</placeName>, dit-on, les métiers de <placeName>Manchester</placeName> cesseraient de battre. »</p> <p>Nos plus florissantes colonies sont : l'<placeName>Algérie</placeName>, les <placeName>îles de la Réunion</placeName>, de la <placeName>Martinique</placeName> et de la <placeName>Guadeloupe</placeName>, la <placeName>Cochinchine</placeName>. </p> </div> </div> <div type="histoire"> <head>Histoire.</head> <div type="questions"> <list> <item>— L'<placeName>ALGÉRIE</placeName>. </item> <item>— Qu'entendait-on, avant 1830, par les pirates d'<placeName>Alger</placeName> ? </item> <item>— A quelle occasion la <placeName>France</placeName> leur déclara-t-elle la guerre ? </item> <item>— Racontez la prise d'<placeName>Alger</placeName>, celle de <placeName>Constantine</placeName>, la bataille de l'<placeName>Isly</placeName>.</item> </list> </div> <div type="réponses"> <p>Les pirates d'<placeName>Alger</placeName> étaient des habitants de cette ville et du territoire placé sous sa dépendance qui, montant des vaisseaux légers et bien armés, poursuivaient les bâtiments marchands de la , s'en emparaient, réduisaient l'équipage en captivité et s'appropriaient la cargaison. Parfois ils descendaient sur les côtes, et, après une brusque attaque, pénétraient dans les villes et les villages. Ils les pillaient et emmenaient les jeunes gens, les jeunes filles à <placeName>Alger</placeName> afin de les vendre comme esclaves.</p> <p>A maintes reprises, ils avaient été punis par l'<placeName>Europe</placeName> ; en 1816, une expédition anglaise leur avait infligé une cruelle leçon ; mais ces châtiments ne produisaient qu'un effet passager, et <persName type="historique">Colbert</persName>, au temps de <persName type="historique">Louis <persName type="historique" />XIV</persName>, avait déjà pensé que, pour en finir, il faudrait s'emparer de ce nid de corsaires.</p> <p>Depuis longtemps des démêlés existaient entre la <placeName>France</placeName> et le <persName type="historique">dey d'<placeName>Alger</placeName></persName>, <persName type="historique">Hussein-Pacha</persName>. On négocia, on bloqua avec une puissante flotte de guerre les côtes de l'<placeName>Algérie</placeName> ; cela n'aboutit qu'à faire insulter deux fois la <placeName>France</placeName> dans la personne de son représentant (1827-1830) Le gouvernement du roi <persName type="historique">Charles X</persName> décida alors une expédition malgré l'opposition de l'<placeName>Angleterre</placeName>, de l'<placeName>Italie</placeName> et de l'<placeName>Espagne</placeName> ; une armée de 40,000 hommes débarqua, le 13 juin 1830, près d'<placeName>Alger</placeName>, et, le 5 juillet, <pb type="page" n="417" facs="https://raw.githubusercontent.com/BucknellDSC/suzette/master/images/page_images/Suzette_417.jpg" /> <fw>CHEZ LE DÉPUTÉ. 417</fw> la ville capitulait. Les jours suivants, <placeName>Bone</placeName> et <placeName>Oran</placeName> ouvrirent leurs portes.</p> <p>Après avoir soumis la <placeName>province d'Alger</placeName>, le gouvernement français fit, en 1836, une première tentative pour prendre <placeName>Constantine</placeName> ; elle échoua. En 1837, une seconde expédition fut résolue, et la bravoure de nos soldats leur donna la victoire, malgré les formidables obstacles dont la nature a entouré cette ville.</p> <p>Un chef arabe, <persName type="historique">Abd-el-Kader</persName>, dès 1834, souleva l'Ouest et le Sud de l'<placeName>Algérie</placeName> contre notre domination : rusé, entreprenant, possédant une merveilleuse connaissance du pays, il soutint vaillamment la lutte. Toutefois, il lui fallut céder et, en 1846, réfugié au <placeName>Maroc</placeName>, il obtint du sultan que celui-ci combattrait pour la cause de l'indépendance de l'<placeName>Algérie</placeName>.</p> <p>Le fils du sultan arriva en juillet 1846 sur les bords de la rivière , qui forme la frontière ; il était à la tête d'une armée de 45,000 hommes. Le <persName type="historique">maréchal Bugeaud</persName> se trouvait de l'autre côté avec 10,000 hommes. La bataille s'engagea le 14 juillet : la lutte fut terrible ; des masses énormes de cavalerie entouraient nos bataillons ; mais pas un soldat français ne broncha devant leurs furieuses attaques ; des feux de bataillon et d'artillerie mirent le désordre dans les troupes ennemies ; les nôtres s'élancèrent et bientôt les Marocains prirent la fuite, laissant sur le champ de bataille 3,000 morts ou blessés avec tout leur matériel ; de notre côté, on ne compta que 30 morts et 100 blessés, tant les dispositions du maréchal avaient été habilement prises.</p> </div> </div> </div> </div> </body> </text> </TEI>